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Les Caves du Majestic
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24 avril 2012

Nađa à Paris - Eric Rohmer (1964)

Éric Rohmer, un cinéastes de la Nouvelle Vague moins connu que Godard ou Truffaut, a réalisé quelques courts-métrages.

Celui-ci a la particularité d’avoir été écrit et interprété par Nađa Tešić, Américano-Yougoslave alors étudiante à Paris (en 1964). Elle relate ses errances dans la ville, elle donne une vision de Paris typique d’une époque. Je ne sais pas si cette vision est toujours valable aujourd’hui.

 


Ajoutée par jhhvideoteach le13 janvier 2012

Transcription

La Cité universitaire

J’habite à la Cité Universitaire, maison de l’Allemagne.

Je suis Américaine et Yougoslave, née à Belgrade et Américaine d’adoption.

La cité me rappelle les collèges des États-Unis. C’est la même atmosphère détendue.

Autre différence : il y a ici des gens de toutes les parties du monde.

Les pelouses ne sont pas interdites, ce qui est rare en France. On peut y marcher et s’y asseoire.

Le parc est vaste et des places ont été réservée aux terrains de jeu et aux cours de tennis.

Moi, je ne pratique aucun sport, sauf la course... Enfin, je cours.

Le danger, c’est qu’on est si bien qu’on n’a plus envie de sortir. Toutes les choses dont j’ai besoin dans mon travail ou mes loisirs se trouvent à ma portée.

Les distractions sont nombreuses, concerts, cinéma.

Chaque maison possède une troupe de théâtre. Celle-ci répète une pièce de Lope de vega.

Quartier Latin

Une ligne de métro me conduit en cinq minutes au quartier latin. Je prépare une thèse sur Proust. C’est la raison officielle de mon séjour en France. Mais ce genre de travail me laisse une très grande liberté dans l’organisation de mon temps. En fait, mes visites à la Sorbonne sont brèves et espacées.

Avant de retourner à la cité, j’aime flâner dans les vielles rues de la rive gauche pleines de boutiques d’antiquaires et de librairies.

Ce qui me frappe en France, ce sont les étalages de livres à l’extérieur. On peut les feuilleter et même lire des pages entières en toute tranquillité.

Puis je vais m’asseoire à une terrasse de café. Les Français aiment y rester des heures. Moi, non. Mais tout de même un certain temps.

- Et c’est pour vous, ça ?
- Oui, merci.

Je n’ai aucun but précis, je m’asseois comme ça. Je n’attends personne. J’ai simplement envie d’être là. Je ne lis pas. Je regarde. Je regarde la rue, la manière dont marchent les gens, la manière dont ils regardent.

Saint-Germain-des-Prés

Je connais bien Saint-Germain-des-Près, c’est même le quartier de Paris qui m’a attirée le premier lorsque je suis arrivée en France. Je suppose qu’il s’est beaucoup embourgeoisé depuis l’époque de Gréco, mais on y trouve une collection de visages intéressants.

Montparnasse

Je suis plus à l’aise à Montparnasse. Le site est banal mais la foule est sympathique. On vient là pour parler, et non pour poser. Une forme d’intimité se forme tout de suite. C’est ainsi que je me suis fait un grand nombre d’amis parmi les bohêmes, peintres, écrivains, parisiens ou étrangers. On peut passer des nuits entières à bavarder. Les gens que je fréquente sont en général plus âgés que moi, et détachés des petites préoccupations de la vie étudiante. Ce sont eux qui m’ont initiée à l’art moderne. Pour moi qui en suis restée à la Période bleue de Picasso, cela me dépasse un peu. Je suis curieuse de toutes les théories, mais en fin de compte, il ne m’ont pas tellement influencée. Je vais droit à ce qui me plaît, j’abandonne le reste aux autres. Et puis, j’ai l’impression qu’il y a des choses que je n’arriverais jamais à prendre au sérieux.

Mais tous ces gens de Saint-Germain et de Montparnasse, si différents qu’ils soient, font partie du même univers. J’éprouve souvent le besoin de me séparer d’eux et de sortir du périmètre étroit du Paris intellectuel.

Les Buttes-Chaumont

Je savais qu’il y avait un parc tout au fond de Paris. J’y suis allée un jour, toute seule et j’y reviens quelques fois. Ce sont les Buttes-Chaumont. J’aime ce lieu parce qu’il est désert et sauvage. Je sais que ces rivières sont artificielles, que ces roches sont du ciment, mais ça n’a pas d’importance.

Belleville

Tout près de là, c’est le quartier populaire de Belleville. Je me suis mise à l’explorer, et j’y passe des journées entières. Quand j’ai faim, j’entre dans une pâtisserie.

- Je voudrais celui-là. Il s’appelle comment ?
- Une briwat.
- Merci. C’est combien ?
- 60, mademoiselle.

Ce qui m’a toujours étonnée chez les Français, c’est l’importance qu’ils accordent à la nourriture. À midi, il faut manger. J’ai entendu, un jour, un étudiant passer cinq minutes à décrire à l’un de ses amis le bifteak magnifique qu’on lui avait servi la veille dans un restaurant.

Les marchés m’attirent. On n’y croise d’ordinaire que de vieilles gens.

Ce Paris-là, on le dédaigne parce qu’il n’est pas historique. J’aime ses enseignes défraîchies, ses petites places avec leurs arbres.

Cette vieille vient toujours, à la même heure, s’asseoire sur le même banc, pour lire un journal déchiré ramassé dans quelque poubelle.

Chez Miminadja a paris

- Bonjour. Un rouge.
- Un p’tit ricard, s’il vous plaît, monsieur.
- Pas bon ça, ça fait mal au foie. ’Faut pas.
- Je suis habituée.
- Oh. C’est pas non plus mal. Ça m’gêne pas.

Parfois, une averse soudaine m’oblige à rester.

- Allez quoi. En tout bien, tout honneur, y aura ma femme et mes quatre gosses. Oh, le dimanche, vous travaillez pas le dimanche.
- C’est le dimanche ?
- J’habite à côté, j’ai une simca 1000. Comme ça, c’est sympa, quoi... Allez, vous v’nez ?

Étrangère à Paris

On sait que je suis étrangère, mais on m’accepte. On ne me regarde pas comme une intruse. J’ai découvert un monde sans problème, plus simple, plus caractéristique de la France, sa présence m’a beaucoup aidée en me détachant de tout ce qu’il y avait de superficiel dans ma vie.

Ce qui caractérise Paris, c’est sa grande variété. On peu passer sans gêne d’un milieu à l’autre. C’est une ville vraiment ouverte. Et finalement, elle vous apprend plus de vous que vous ne découvrez d’elle. Bien sûr, je n’ai pas l’intention d’y rester. Mais j’aimerais ne jamais perdre Paris de vue. Mon séjour ici m’aura marquée. C’est naturel, car il coïncide avec la période de votre vie qui est peut-être la plus importante : celle où vous vous dégagez des influences et où votre personnalité se dessine.

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Commentaires
S
Merci pour cette transcription. J'ai bien aimé ce court metrage, surtout parce que le film m'a donné l'envie de me situer dans le Paris de cette époque :) Je te recommande de voir "Une étudiante d'aujourd'hui" aussi :) <br /> <br /> <br /> <br /> http://www.dailymotion.com/video/x4wgoo_une-etudiante-d-aujourd-hui-eric-ro_shortfilms<br /> <br /> <br /> <br /> Et dans "La carrière de Suzanne" dans la chambre du protagoniste on peut noter des affiches touristiques de la vieille Yougoslavie (écrites en serbe).<br /> <br /> <br /> <br /> http://www.youtube.com/watch?v=hiTUng46WXE&feature=player_detailpage#t=190s
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