Un sondage d'IPSOS a récemment fait pas mal de bruit sur les rapports de 70% des Français avec les étrangers comme on peut le lire dans cet article du Monde.
De plus, Toma Feterman, leader de la Caravane passe, dans une très récente interview, recommandait de lire Jacques Prévert (1900-1977). Cet entretien a quelques échos avec ce poème qui, rendant hommage aux étrangers de France, fait référence autant à l’Histoire qu’à Paris.
Deux couvertures d'une compilation de poèmes illustrés par Jacqueline Duhême (née en 1927)
- L’Histoire pour les colonies, à la guerre d’Indochine (le poème publié en 1951 reparaît en 1955 dans le recueil intitulé La Pluie et le Beau Temps), aux réfugiés espagnols fuyant le régime de Franco par vagues successives dans les années qui suivirent la guerre d’Espagne.
- Paris pour tous ces quartiers et cette banlieue qu'il donne à visiter.
Comme à son habitude, l’auteur détourne aussi nombre d’expressions populaires. Comme à notre habitude, nous glisserons ici et là quelques liens explicatifs.
C'est donc un poème très riche que dira Jacques Prévert accompagné par Henri Crolla (1920-1960) à la guitare.
Jacques PRÉVERT " Étranges étrangers " by Petite-Drolesse
Etranges étrangers
Kabyles de la Chapelle et des quais de Javel
hommes de pays loin
cobayes des colonies
doux petits musiciens
soleils adolescents de la porte d'Italie
Boumians de la porte de Saint-Ouen
Apatrides d'Aubervilliers
brûleurs des grandes ordures de la ville de Paris
ébouillanteurs des bêtes trouvées mortes sur pied
au beau milieu des rues
Tunisiens de Grenelle
embauchés débauchés
manœuvres désœuvrés
Polaks du Marais du Temple des Rosiers
Cordonniers de Cordoue soutiers de Barcelone
pêcheurs des Baléares ou du cap Finisterre
rescapés de Franco
et déportés de France et de Navarre
pour avoir défendu en souvenir de la vôtre
la liberté des autres
Esclaves noirs de Fréjus [83]
tiraillés et parqués
au bord d'une petite mer
où peu vous vous baignez
Esclaves noirs de Fréjus
qui évoquez chaque soir
dans les locaux disciplinaires
avec une vieille boite à cigares
et quelques bouts de fil de fer
tous les échos de vos villages
tous les oiseaux de vos forêts
et ne venez dans la capitale
que pour fêter au pas cadencé
la prise de la Bastille le quatorze juillet
Enfants du Sénégal
dépatriés expatriés et naturalisés
Enfants indochinois
jongleurs aux innocents couteaux
qui vendiez autrefois aux terrasses des cafés
de jolis dragons d'or faits de papier plié
Enfants trop tôt grandis et si vite en allés
qui dormez aujourd'hui de retour au pays
le visage dans la terre
et des bombes incendiaires labourant vos rizières
On vous a renvoyé
la monnaie de vos papiers dorés
on vous a retourné
vos petits couteaux dans le dos
Étranges étrangers
Vous êtes de la ville
vous êtes de sa vie
même si mal en vivez,
même si vous en mourez.
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Le poème décrit Paris tel qu'il était et propose d'en faire une promenade.
Dans le 3ème arrondissement
A. rue du Temple ,
B. Marais ,
C. rue des Rosiers
Dans le 12ème arrondissement
D. Bastille
Dans le 13ème arrondissement
E. la porte d'Italie
Dans le 15ème arrondissement
F. les quais de Javel,
G. Grenelle
Dans le 18ème arrondissement
H. la porte de Saint-Ouen ,
I. la Chapelle
En banlieue
J. Aubervilliers