Le Dictionnaire des sciences animales - une chronique de Philippe Meyer (2013)
Philippe Meyer, "mammifère omnivore" né en 1947, est un homme de radio officiant depuis plus de trente ans sur le service public, et actuellement :
- sur France Inter avec une émission consacrée à la chanson, francophone ou non,
- sur France Culture, station sur laquelle il tient une chronique chaque matin, du lundi au vendredi, à 7h56, chronique qui lui permet de nous entretenir de sujets divers et variés avec une érudition bonhomme et un enthousiasme communicatif.
Ce matin-là, il nous parlait de la découverte d’un site consacré au lexique des sciences animales.
Nous n’en dirons pas plus, Philippe Meyer s’acquitte parfaitement de cette tâche.
Soulignons toutefois deux choses :
- d'une part l'importance des dictionnaires analogiques (l'absence de dictionnaire usuel unilingue serbe m'étonne),
- d'autre part l'émerveillement que procure la découverte de nouveaux mots et ce qu'ils recouvrent.
La plupart de ceux présentés par le chroniqueur m'étaient absolument inconnus.
Transcription (réalisée par Lara)
Auditeurs sachant "auditer", il y a cinquante ans, le 22 décembre 1963, Alexandre Vialatte, le Saint Patron et le modèle inatteignable de tous les chroniqueurs qui voudraient bien savoir chroniquer écrivait dans La Montagne : « Les dictionnaires sont de bien belles choses, ils contiennent tout. C’est l’univers en pièces détachées, Dieu lui-même. Qu’est-ce au fond qu’un Larousse plus complet ? Les dictionnaires sont le dernier refuge de l’aventure, du fantastique et de la poésie, le dernier avatar d’Alexandre Dumas. Les dictionnaires sont si belles et bonnes choses que comme disait Saint Louis des prudhommes rien qu’à prononcer le mot on en a plein la bouche. »
Couverture du deuxième volume des
Chroniques de La Montagne
d'Alexandre Vialatte (1901-1971)
illustré par Chaval
On vérifiera le pouvoir magique des dictionnaires en tapant sur le clavier de son ordinateur les mots « dictionnaire des sciences animales ». On se trouvera alors sur un site dû à Messieurs Johann Huguenin et Christian Meyer, avec lequel je m’empresse de préciser que je n’ai aucun lien, car bien que le dictionnaire des sciences animales ne le précise pas, il y a plus d’un âne qui s’appelle Martin.
Que trouve-t-on dans ce savant ouvrage électronique ? Des mots. La belle affaire me direz-vous des mots c’est ce qu’on trouve dans tous les dictionnaires. Permettez que je vous contredise. Dans les dictionnaires, ce ne sont pas des mots que l’on cherche, ce sont des définitions, des orthographes, des étymologies.
Dans le dictionnaire des sciences animales on en trouve également mais on découvre surtout des mots dont on ignorait l’existence ou le double sens et ce sont ceux-là qui font voyager l’imagination et ménagent des surprises.
Ainsi on aurait tort de se détourner d’une demoiselle au motif qu’elle est velue puisque la demoiselle du dictionnaire de messieurs Huguenin et Meyer est aussi un crabe comestible à moins que ce ne soit la demoiselle de Numidie. Une demoiselle de Numidie on dirait le titre d’une chanson "Mademoiselle de Numidie voulez vous...". La demoiselle de Numidie appartient à la famille des grues et fut dressée par les égyptiens pour garder leur basse-cour. Ça peut être aussi une demoiselle à queue noire, sorte de poisson zèbre, qui peut faire l’ornement d’un aquarium ou pour la beauté de leur contraste on le fera voisiner avec une demoiselle de Rodrigues à la peau jaune et orange bordée d’un filet bleu fluo.
Demoiselle de Numidie - C. Meyer
On reste étonné devant l’énumération des variétés de baleines. Nous avions entendu parler de la baleine blanche, celle de Melville, et aussi de la bleue et de la grise, mais pas de la baleine pygmée, de la baleine boréale, de la baleine pilote, sorte de grand dauphin joueur et rapide qui conduit les autres baleines vers les bancs de poissons, avant d’aller lui-même manger des poulpes dans les profondeurs.
Couverture d'une édition folio de
Moby Dick, Herman Melville
(c'est un cachalot)
La variété des papillons est une source de réjouissance contemplative. Piéride du navet, écaille chinée, argus bleu, porte queue de corse ou encore fadet des laîches, également appelé œdipe, ce qui ne laisse pas que de troubler puisqu’en espagnol on le nomme lindos ojos, beaux yeux.
Argus bleu
(trouvé ici)
Fadet des Laîches
(trouvé ici)
Il faut dire, et ce n’est pas le moindre charme de ce dictionnaire en ligne gratuit, dont la lecture renvoie à quantité d’autres sites que du pademelon à la caille peinte de Chine en passant par le takin, l’épine-du-christ et le pacha à deux queues, l’homme a doté plantes et animaux de noms dont le seul énoncé suffit à permettre d’entamer un voyage.
Le ciel vous tienne en joie.