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Les Caves du Majestic
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2 février 2014

Lettre ouverte de l'An 2000 - Cavanna (1978) (avec Monique Atlan) / Stop Crève - Cavanna à la RTS (1977)

Quelques réflexions de François Cavanna (1923-2014) sur le vieillissement, la surpopulation, la connerie, sur l'avenir, sur l'An 2000 vu de 1975, qui ressemble bien à l'an 2000 vu de l'an 2000.

Ces réflexions sont surtout un appel à l'imagination.

 

 

 

Transcription

L’humour en l’an 2000. Est-ce que, dans 25 ans, l’homme saura toujours rire ? Peut-être, mais après tout, ce n’est pas sûr. Alors pour essayer d’en avoir une idée, Monique Atlan a interrogé le dessinateur et humoriste Cavanna, collaborateur entre autre de Charlie Hebdo. Sa réponse, vous allez le voir, est assez évasive finalement. Et il a sans doute raison car après tout s’il est une chose éphémère et fragile, c’est bien l’humour. Alors Cavanna a préféré faire une chose beaucoup plus simple, il a pris ma place, et il a imaginé un journal d’actualité.

 

 

Un mathématicien réussi à capturer pour la première fois un morceau de la quatrième dimension et à l’enfermer dans un pot de confiture. Quand on le regarde on devient fou.

 

 

Greffe réussie d’un aveugle sur un paralytique.

 

 

 

[Le professeur Choron – Tu as Reiser, Vive les femmes.]

 

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Vive les femmesReiser

[on aperçoit Le professeur Choron, Cavanna, Sylvie Caster, Wolinski, Gébé, Cabu.]

Bon alors qu’est-ce que tu veux ? Que je te parle de l’avenir ? Quel avenir ?

Celui de l’An 2000.

Ce qui va se passer en l’An 2000, tout ça, là ?

Ouais.

J’m’en fous, de l’An 2000. J’m’en fous complètement. Mais imagine un peu, l’An 2000. Je vais être un vieux con en l’an 2000. Je peux même pas dire quel âge j’aurai, ça me fait peur. Enfin de toute façon, je serai un vieux con. Ou crevé, ou un vieux con. Si je suis crevé, qu’est-ce que tu veux que ça me foute, ce qui va se passer quand je serai crevé. Quand je suis mort, j’existe plus. Y a plus rien. Rien d’autre n’existe. Puisque ma machine à concevoir le tout, ma machine à faire exister le toi et le reste n’existera plus. Qu’est-ce que tu veux que ça me foute, l’an 2000 ? Y a pas d’An 2000.

Sauf, sauf si les gens auront été un peu moins con, si on s’intéressait à LA question à laquelle il faut s’ntéresser, c’est-à-dire – je bafouille – c’est-à-dire : supprimer le vieillissement. Ah oui ! Ah oui ! Alors là, il y aura un An 2000 avec moi dedans. C’est-à-dire que si je suis dedans, l’an 2000 existe, il est là. Et moi. Bon. Je te dis tout de suite : il y a peu de chance. C’est dommage parce que maintenant, on peut s’intéresser à ça de façon « non-utopique ». On sait, non pas comment ça se passe, mais on sait où il faut chercher. Pour la première fois, on sait où il faut chercher, comment on peut chercher. Si on s’y mettait avec l’acharnement, avec les moyens [dessin de Reiser] qu’on a mis pour, par exemple, la bombe atomique, ou pour aller dans la Lune, on arriverait très vite à des résultats.

S’il y a quelques uns parmi ceux qui m’écoutent et qui me voient qui ont une imagination capable d’être excitée par ça, eh bien, allez-y, qu’ils y aillent, qu’ils prolongent, qu’ils prennent un bout de papier pour y noter ce que ça leur suggère.

 

 

 

La première cellule vivante artificielle est créée en laboratoire.
Présentée au président de la République, elle lui mord le doigt.

 

 

 

Pour être optimiste, c’est pas dur.
Il faut être con.

 

 

[Le professeur Choron – Le titre c’est "Cavanna refuse"… ah mais, bien sûr, "Cavanna refuse".]

 

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On vit une époque formidable, Reiser

On est ou pessimiste ou con. On peut pas être con sur commande. Alors je préfère encore être pessimiste qu’être con.

Pourquoi ? La connerie a de l’avenir ?

Ah la connerie a de l’avenir, le plus splendide des avenirs, ça, pour la connerie, ça s’ouvre à un avenir radieux, un avenir en technicolor. L’An 2000 a déjà commencé pour la connerie. On va vers un feu d’artifice de conneries, vivent les cons, le monde est à eux. Et le monde de l’An 2000 est aux super-cons. Soyez cons, c’est tout ce que je peux vous conseiller.

 

 

 

Contraception : Pillule anti-conceptionnelle enrobée de chocolat.

On fait prendre la pillule à l’enfant après la naissance.

 

 

 

On est quatre milliards sur terre. Quatre milliards et un peu plus. En l’an 2000 on va être, je crois, sept milliards. En l’an 2020, on va être vingt milliards. En l’an 2050 on va être cent milliards. Bon, chipotez pas sur les chiffres, hein. À peu près. En gros, c’est ça. Bon. On pourrait éviter ça. Mais faudrait… le seul moyen, c’est de ne plus faire de gosse. En faire beaucoup beaucoup moins. On peut en faire quelques-uns, un petit peu. Mais pas trop.

Vous avez des enfants ?

Haha, oui ! Oui, j’ai des enfants.

Vous en avez combien ?

Et qu’est-ce qu’ils viennent faire là ?

Vous en avez combien ?

Plein.

 

 

Généralisation des méthodes hypnopédiques. Enseignement pendant le sommeil.

Les tables de classe sont remplacées par des lits, les professeurs par des berceuses.

 

 

 

Vous pensez qu’on peut vous prendre au sérieux ?

Ah ben j’espère bien. Pas beaucoup de gens : Très peu : Mais c’est à eux que je parle. C’est pour eux que je cause. C’est pas… disons que quatre-vingt-dix sur cent me prendront pour un rigolo ou pour un anarchiste, ou pour un fumiste, pour un fou peut-être. Mais il y en aura peut-être cinq sur mille, peut-être pas, qui verront plus loin, peut-être. J’espère. J’y crois, même.

 

 

 

Les organes inutiles sont supprimés. Appendice, nombril, orteils, poils de nez, poches sous les yeux.

On envisage bientôt la suppression des jambes, des bras, pour ne conserver que l’essentiel.

 

 

 

Le désespoir n’est pas forcément triste. Le désespoir, ça veut dire l’absence d’espoir. À partir du moment où on a compris que l’espoir n’était qu’une espèce de mythe, de religion, tout autant que la croyance en Dieu, en l’immortalité de l’âme, en d’autres balivernes qui "aident" à vivre pour les gens qui ont besoin d’un bâton pour marcher, quand on a compris qu’il n’y a pas d’espoir, qu’il ne peut arriver que des choses tristes, ça n’empêche qu’on se dit «  Eh ben moi je veux vivre le moment présent et le vivre de mon mieux » je suis heureux.

Qu’est-ce qui vous intéresse dans le présent ?

  • Être vivant.
  • Être en bonne santé.
  • Avoir de grandes jambes maigres qui arpentent le trottoir. Et les sentir, et y penser ! « Qu’est-ce que je suis content, il y a un trottoir à monter, hop, je l’enjambe, ça marche tout seul ! Il y a un escalier, je dois le… mais c’est formidable. » Mais c’est formidable, ce que c’est bien fait tout ça, mais c’est merveilleux !
  • Puis tout ! Puis tout ! Puis tout ! Les gens, les rencontres, les… quoi… les amours, les … tout : Tout est magnifique.
  • Puis j’ai faim.

J’ai gagné. Tu me donnes encore des baguettes. Merci.

 

 

*********

 

 

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Le thème de la lutte contre la mort a fait l'objet d'un livre, Stop-Crève qui a réuni un certain nombre de chroniques écrites sur le sujet.

 

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Il en parle à la Radio Télévision Suisse Romande.

C'est dans l'émission intitulée La Voix au Chapitre, de Catherine Charbon et Christian Defaye.

Le document ci-dessous n'en est que le début. On pourra voir l'entretien complet sur le site de la RTS (rts.ch)

 


Publié (opportunément) le 31 janvier 2014 par rtsarchives

Transcription

Alors ce livre est constitué par une série de chroniques signées par Cavanna qui ont paru dans l’Hebdo Hara-Kiri et dans Charlie Hebdo de 1969 à 1975. Et de ces chroniques ressort un thème ou plus exactement une évidence qui peut se résumer très simplement, à savoir, finalement, c’est trop bête de vivre avec comme seule perspective la vieillesse et la mort. « Alors, dit Cavanna, si on essayait quelque chose ? » Alors au début, quand on lit ce livre, on est un petit peu face à l’œuf de Christophe Colomb, on sourit. Puis alors au fil des évidences que débusque l’auteur au fil des chapitres, eh bien on se dit : « après tout, c’est pas si bête, ça, c’est pas une si mauvaise idée… si on essayait de se bagarrer pour l’immortalité ? Après tout c’est une cause qui en vaut bien d’autres. »

Alors, Cavanna, ce qui m’a frappé au départ dans votre livre, c’est que pour aborder ce thème , vous qui avez l’habitude très souvent d’employer l’artillerie de marine, si vous me permettez cette expression, j’ai l’impression cette fois-ci que vous y allez avec du petit plomb de chasse pour ne pas effaroucher vos lecteurs, j’allais dire votre clientèle, et il y a une espèce de pudeur de votre part me semble-t-il à aborder ce thème qui après tout est important et même très important, c’est même le plus important. Est-ce juste ?

Eh bien sûr ! Mais ça tient à deux choses.

D’abord, c’est très mal vu d’avoir la trouille. ‘Faut surtout jamais avouer qu’on a la trouille. Bon. Avoir peur de mourir, c’est la trouille numéro un. On ne doit jamais dire : « J’ai peur de mourir ». En réalité, j’ai pas peur de mourir. C’est pas l’angoisse de la mort. Ça me travaille pas, ça m’empêche pas de dormir. Il y a des tas de choses qui m’empêchent de dormir, mais pas ça. C’est pas ça que je pense. Simplement, il m’arrive très souvent d’y penser en disant : « Comme c’est dommage ». Qu’est-ce que c’est con – je sais pas si je peux employer de tels mots [oui, oui, allez-y] excusez-moi – de vivre, la vie est bonne, je l’aime, elle est formidable, chaque matin est une journée, un cadeau qui m’est donné, que je mange à m’en empiler jusque là… et puis ça va finir. Et ça va finir pas d’un seul coup, ça va finir lentement. À partir d’un certain âge, ça va commencer à descendre, ça va finir dans le marécage, dans la putréfaction, et au bout, il y aura… C’est dommage. C’est quand même dommage.

Et puis une autre raison avec laquelle je vais utiliser des petits plombs de chasse : C’est que c’est un point sur lequel les gens sont fermés comme des huîtres. Il faut arriver à leur permettre d’oser imaginer. C’est pourtant simple, imaginer seulement, rien de plus. Bon. Ça n’engage à rien. ‘Vous occupez pas de savoir si c’est possible ou pas. Rêvez, bon dieu, rêvez. Bon, bon. Même là, ils osent pas. On vieillirait plus. Tu as dit tout à l’heure « immortalité », attention, c’est pas de l’immortalité. Parce que ça, l’immortalité, je sais pas comment l’atteindre. Il s’agit de ne pas vieillir. Simplement. Ce qui entraînerait par voie de conséquence que la mort serait indéfiniment reculée et qu’on ne pourrait mourir que d’accident, du coup de révolver d’un jaloux ou d’une maladie, tout simplement.

 

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  • Un peu de culture francophone (surtout française). Rien n’est incompréhensible pour des étudiants curieux, même si « on ne l’a ni lu, ni vu, tant qu’on en a entendu parler » (Cavanna). Bonne visite ! Des lecteurs en Serbie
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