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3 juin 2014

41/45 - La Java des Bombes atomiques & La Complainte du progrès - Boris Vian (1955)

L’Heureux mix (2003) de la Tordue est un mélange des paroles de plusieurs chansons ayant marqué les auteurs sur une musique originale. Comme ils ne sont pas les seuls à les connaître, découvrons-les ensemble.

 

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La Java des Bombes atomiques est lié sur la pochette ci-dessous et dans un entretien, un peu plus bas, à la Complainte du progrès, une autre chanson fameuse de Boris Vian.

 

javabom

 

Cette note présentera successivement :

  • La Java des Bombes atomiques ;
  • un entretien autour de ces deux chansons ;
  • la Complainte du progrès

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La java des bombes atomiques est une chanson assez représentative du touche-à-tout Boris Vian (1920-1959).

Ellefait partie des "chansons impossibles" de l'écrivain-trompettiste.

 

via_045

 

La java des bombes atomiques est une chanson pacifiste (on savait que Boris Vian ne se disait pas anti militariste mais plutôt pro-civil), truffée d’expressions de la vie de tous les jours comme de trouvailles indescriptibles.

 


Ajouté le 26 avril 2008 par zalapatax

(Boris Vian – Alain Goraguer)

Mon oncle un fameux bricoleur
Faisait en amateur
Des bombes atomiques
Sans avoir jamais rien appris
C'était un vrai génie
Question travaux pratiques
Il s'enfermait tout' la journée
Au fond d'son atelier
Pour fair' des expériences
Et le soir il rentrait chez nous
Et nous mettait en trans'
En nous racontant tout

Pour fabriquer une bombe A
Mes enfants croyez-moi
C'est vraiment de la tarte
La question du détonateur
S'résout en un quart d'heur'
C'est de cell's qu'on écarte
En c'qui concerne la bombe " H "
C'est pas beaucoup plus vach'
Mais un' chos' me tourmente
C'est qu'cell's de ma fabrication
N'ont qu'un rayon d'action
De trois mètres cinquante
Y a quéqu'chos' qui cloch' là-d'dans
J'y retourne immédiat'ment


Il a bossé pendant des jours
Tâchant avec amour
D'améliorer l'modèle
Quand il déjeunait avec nous
Il avalait d'un coup
Sa soupe aux vermicelles
On voyait à son air féroce
Qu'il tombait sur un os
Mais on n'osait rien dire
Et pis un soir pendant l'repas
V'là tonton qui soupir'
Et qui s'écrie comm' ça

À mesur' que je deviens vieux
Je m'en aperçois mieux
J'ai le cerveau qui flanche
Soyons sérieux disons le mot
C'est même plus un cerveau
C'est comm' de la sauce blanche
Voilà des mois et des années
Que j'essaye d'augmenter
La portée de ma bombe
Et je n'me suis pas rendu compt'
Que la seul' chos' qui compt'
C'est l'endroit où c'qu'ell' tombe
Y a quéqu'chose qui cloch' là-d'dans,
J'y retourne immédiat'ment

Sachant proche le résultat
Tous les grands chefs d'Etat
Lui ont rendu visite
Il les reçut et s'excusa
De ce que sa cagna
Était aussi petite
Mais sitôt qu'ils sont tous entrés
Il les a enfermés
En disant soyez sages
Et, quand la bombe a explosé
De tous ces personnages
Il n'en est rien resté

Tonton devant ce résultat
Ne se dégonfla pas
Et joua les andouilles
Au Tribunal on l'a traîné
Et devant les jurés
Le voilà qui bafouille
Messieurs c'est un hasard affreux
Mais je jur' devant Dieu
En mon âme et conscience
Qu'en détruisant tous ces tordus
Je suis bien convaincu
D'avoir servi la France
On était dans l'embarras
Alors on l'condamna
Et puis on l'amnistia

Et l'pays reconnaissant
L'élu immédiat'ment
Chef du gouvernement

 

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Il en existe naturellement plusieurs versions dont voici un petit inventaire non exhaustif. Allez-y donc jeter une oreille. Ou les deux.

 

Parmi les différentes interprétations, notons :

Une version instrumentale

  • Elsa Popping & her Pixieland Band en 1957
    C'était un projet d'André Popp décédé il y a trois semaine. Ce disque (Delirium in hi-fi) est très inventif et très drôle.

Deux petits films d’animations (c'est une chanson très visuelle) :

  • Dolbeau Trio en 2012, le film est de Julien Angebault.
    A la fin du film, on peut entendre Boris Vian prononcer ces belles phrases :
    "Le jour où le plus grand nombre sera à même, par sa culture et ses connaissances, de choisir lui-même sa vérité, il y a peu de chances pour qu'il se trompe."
    "Il est certain que si on veut faire quelque chose de différent - ce qui est au fond le problème du créateur, ce n'est pas de faire, c'est de faire autrement - si on veut faire quelque chose de différent, il faut s'attendre à ne pas rencontrer la compréhension tout de suite."
    "Je crois que le créateur ne doit absolument pas se soucier de l'opinion du plus grand nombre, ni pour la mépriser ni pour la rechercher.
    "
  • Serge Reggiani, le clip a été réalisé par Thibault Berrido, alors élève à l'École Estienne.

Et les versions de :

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Dans l'entretien ci-dessous, il est question, entre autres, de la conception de cette chanson.

 

 

Transcription

Speakerine – Si c’était à recommencer, une émission de Robert Bogdali avec aujourd’hui Boris Vian. Au piano Yvon Alain, à la guitare Jean Bonal. Et avec Robert Bogdali.

Boris Vian – Ah, reprends ici, parce qu’ici, il y a un truc que j’ai pas très bien saisi. Reprends ici. [un peu plus tard] Ah bon, c’est quelle harmonie, ça ?
Jean Bonal – Un B27ème.
Boris Vian – Un B27ème, mais tu enchaînes sur... ?

Robert Bogdali – Eh bien, chers amis, nous sommes aujourd’hui chez Boris Vian qui travaille, qui travaille à la composition d’une chanson. Boris Vian, voulez-vous dire quelques mots à nos auditeurs de cette chanson que vous écrivez actuellement ?

Boris Vian – Eh bien c’est une chanson qui a été écrite par le guitariste Jean Bonal que vous connaissez sûrement. C’est une chanson qui est très jolie mais qui est très difficile à « paroler » si j’ose employer ce néologisme, parce que c’est de la musique de danse et sur de la musique de danse, c’est extrêmement difficile de faire des paroles qui ne tombent pas dans l’attitude ordinaire.

Robert Bogdali – Et alors je n’ose pas vous demander si c’était à recommencer car vous êtes actuellement en plein recommencement, puisque vous préparez cette chanson, mais y avez-vous déjà pensé avant de la commencer ?

Boris Vian – Oui, j’y ai déjà pensé, seulement, en vérité pour écrire les paroles d’une chanson dont on n’a pas écrit la musique, il faut l’assimiler complètement, et pouvoir se la chanter soi-même dans sa tête, quand on est tranquille, quand on est tout seul.

Robert Bogdali – Et maintenant les paroles serviront de prétexte à la musique, ou ont servi de prétexte….

Boris Vian – À vrai dire, maintenant, je vais me seriner le départ dans la tête et tâcher de trouver une formule verbale qui colle avec la formule musicale.

Robert Bogdali – Ah, très bien !

Boris Vian – Et par élimination, j’espère y arriver.

Robert Bogdali – Et, Boris Vian, parolier-chanteur est pour vous une nouvelle profession, parce que je crois qu’il y a quelques années, vous n’y songiez guère…

Boris Vian – Ben c’est-à-dire que j’ai toujours songé à la musique de près ou de loin puisque j’ai commencé par jouer de la trompette dans des orchestres de jazz et de fil en aiguille connaissant de plus en plus de musiciens, j’en ai trouvé qui jouaient du piano et qui m’ont demandé des paroles.

Robert Bogdali – Oui. Mais vous parlez de musique, est-ce que vos préoccupations sont aussi musicales ? Est-ce qu’il vous arrive également d’écrire des mélodies ?

Boris Vian – Oui, ça m’arrive, seulement, comme je n’ai pas appris la musique vraiment, je tombe toujours ce dans quoi tout le monde tombe sans instruction musicale précise, si vous voulez ont ombe toujours un peu dans la facilité. On se dit « voilà une jolie mélodie qui se retient bien » et finalement, c’était simplement parce qu’elle était trop facile, souvent.

Robert Bogdali – Oui.

Boris Vian – Alors généralement, je fabrique les chansons – quand je les fabrique seul – je les fabrique sur des airs que je me donne et ensuite j’élimine l’air et je demande à un professionnel de la musique de me refaire un air dont l’harmonie soit plus astucieuse, dont la mélodie soit un peu plus recherchée. Sans ça on tombe un peu facilement dans la grosse grosse facilité.

Robert Bogdali – Oui, oui. Mais en ce qui concerne la Java des Bombes atomiques, par exemple, que vous fredonniez tout à l’heure, est-ce que vous êtes parti toujours des paroles et vous avez confié les paroles à un musicien ou vous êtes parti de la musique pour refaire les paroles.

Boris Vian – Ben celle-là c’est justement un exemple de chanson pour laquelle j’ai composé d’abord une musique trop facile et trop simple, qui ne m’a pas plu mais qui m’a servi de monstre musical si vous voulez, pour le rythme, pour le rythme de la chanson, j’ai écrit mes trois couplets, ensuite j’ai éliminé la musique et j’ai donné les paroles à mon pianiste Alain Goraguer qui a composé une superbe java là-dessus.

Robert Bogdali – Oui. Donc pour une fois dans cette émission je ne demanderai pas si c’était à recommencer mais constatons que vous avez fait recommencer.

Boris Vian – Oui.

Robert Bogdali – Eh bien écoutons ce recommencement.

Boris Vian – Par autorisation spéciale de la commission du même nom : La Java des Bombes atomiques.

[voir paroles ci-dessus]

Boris Vian – À propos de cette java, d’ailleurs c’est d’un disque que j’ai déjà enregistré il y a un certain temps, il y a déjà plus d’un an [ndlr près de 60 ans] et pour vous donner une idée de la mobilité d’une chanson justement, je dois vous avouer que depuis j’ai complètement transformé le second…

Robert Bogdali – Votre manière…

Boris Vian – Non, complètement transformé le second couplet de la java qui n’est plus du tout le m^me maintenant tel que je le chante. Mais ça, notez-bien, c’est un peu une chanson de chansonnier plus qu’une chanson-chanson. Seulement, ça illustre aussi ce que je vous disais tout à l’heure, c’est que les chansonniers à mon avis font souvent de très bonnes chansons, mais généralement, quand on les entend chanter leurs chansons, on regrette que ça soit aussi pauvre musicalement.

Robert Bogdali – Oui.

Boris Vian – Et je suppose que c’est parce qu’ils ne font pas l’effort, si vous voulez, de redonner leur travail à un professionnel de la musique alors il est vrai que généralement que ça leur est égal vu que ce sont les paroles qui comptent.

Robert Bogdali – Oui, la musique a très peu d’importance dans …

Boris Vian – Mais je trouve que… je sais pas… je trouve que tout de même que même une chanson anecdotique et gouvernementale comme ça…

Robert Bogdali – Mais tout à là l’heure, Boris Vian, vous parliez de l’actualité, vous parliez de la chanson de chansonnier, évidemment, c’est une chanson de chansonnier, seulement le sujet d’actualité que vous avez choisi est un sujet dont l’actualité peut durer… Donc vous avez un sens commercial très développé, dites-moi, mon cher…

Boris Vian – Je ne crois pas que j’aie le sens commercial tellement développé, finalement, parce que j’ai une terrible histoire avec une autre de mes chansons.

Robert Bogdali – Alors racontez.

Boris Vian – La chanson des Arts ménagers, alors d’une part on s’imagine que j’ai écrit cette chanson à l’occasion du salon des Arts ménagers, ce qui est faux parce qu’il y a très longtemps que je l’ai écrite et c’est un pur hasard. Elle est sortie, je le reconnais, au moment du salon des arts ménagers et ça avait l’air…

Robert Bogdali – … fait exprès…

Boris Vian – Et alors dans cette chanson qui est enregistrée chez ma marque, Philips, dans les premiers vers du refrain je fais l’apologie du frigidaire, ce qui m’a attiré beaucoup d’ennuis avec ma maison [rire].

Robert Bogdali – Bon, c’est pas grave ! Oui, mais alors, puisque vous avez parlé de cette chanson des Arts ménagers, alors on peut peut-être l’entendre ?

Boris Vian – Ah ben vous verrez justement à quel moment s’insère l’appareil ménager en question.

Robert Bogdali – Allons-y.

[voir paroles ci-dessous]

Robert Bogdali – Oui ainsi la musique vous préoccuppe ainsi que vous l’avez dit tout à l'heure, mais ce que j’aimerais savoir, c’est si la musique c’est seulement le jazz et la chanson ?

Boris Vian – Non, non, justement, la musique, c’est toute la musique y compris la musique sérieuse, d’ailleurs j’ai fini par y revenir par un biais puisque je viens de terminer avec mon amie Georges Delerue qui, comme tout le monde le sait, est un musicien tout ce qu’il y a de plus sérieux un opéra qui sera, grâce à Marcel Lamy, qui sera créé cet hiver à l’Opéra de Nancy (54).

Robert Bogdali – Alors comment envisagez-vous… comment voyez-vous, si je peux m’exprimer [ainsi] parce que vous n’êtes pas musicien, vous n’entendez pas la musique peut-être, mais alors comment voyez-vous cette musique à peu près.

Boris Vian – Eh bien, je dois dire que je l’ai déjà entendue en partie puisque Delerue a déjà beaucoup avancé son travail, je la vois exactement comme il l’a écrite. Et pour bien vous prouver à quel point la musique sérieuse me plaît, je vous propose de faire place à la musique en arrêtant toutes ces paroles, en écoutant un Villa-Lobos.

[court extrait de "Brasileiros" de Villa Lobos]

Robert Bogdali – Eh bien décidément, Boris Vian, la littérature, la chanson, le jazz, la musique, l’opéra… votre vie est un éternel recommencement.

Speakerine – Si c’était à recommencer, c’était une émission de Robert Bogdali avec aujourd’hui Boris Vian. Au piano Yvon Alain, à la guitare Jean Bonal. Et avec Robert Bogdali.

 

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Les Arts ménagers (ou La Complainte du progrès) fait partie des "chansons possibles" de l'écrivain-trompettiste.

 

via_044

 

La Complainte du progrès est une chanson qui critique la société de consommation, truffée d’expressions de la vie de tous les jours comme de trouvailles indescriptibles.

 


Ajoutée le 20 octobre 2012 par Facedebouc1

(Boris Vian – Alain Goraguer)

Autrefois pour faire sa cour
On parlait d'amour
Pour mieux prouver son ardeur
On offrait son coeur
Maintenant c'est plus pareil
Ça change ça change
Pour séduire le cher ange
On lui glisse à l'oreille

Ah Gudule, viens m'embrasser, et je te donnerai...

Un frigidaire,
Un joli scooter,
Un atomixer
Et du Dunlopillo
Une cuisinière,
Avec un four en verre
Des tas de couverts
Et des pelles à gâteau!
Une tourniquette
Pour faire la vinaigrette
Un bel aérateur
Pour bouffer les odeurs
Des draps qui chauffent
Un pistolet à gaufres
Un avion pour deux...
Et nous serons heureux!

Autrefois s'il arrivait
Que l'on se querelle
L'air lugubre on s'en allait
En laissant la vaisselle
Maintenant que voulez-vous
La vie est si chère
On dit: "rentre chez ta mère"
Et on se garde tout

Ah Gudule, excuse-toi, ou je reprends tout ça...

Mon frigidaire,
Mon armoire à cuillers
Mon évier en fer,
Et mon poêle à mazout
Mon cire-godasses,
Mon repasse-limaces
Mon tabouret-à-glace
Et mon chasse-filous!
La tourniquette,
à faire la vinaigrette
Le ratatine ordures
Et le coupe friture

Et si la belle
Se montre encore rebelle
On la ficelle dehors,
Pour confier son sort...

Au frigidaire,
à l'efface-poussière
à la cuisinière,
Au lit qu'est toujours fait
Au chauffe-savates,
Au canon à patates
à l'éventre-tomate,
à l'écorche-poulet!

Mais très très vite
On reçoit la visite
D'une tendre petite
Qui vous offre son coeur

Alors on cède
Car il faut qu'on s'entraide
Et l'on vit comme ça
Jusqu'à la prochaine fois
Et l'on vit comme ça
Jusqu'à la prochaine fois
Et l'on vit comme ça
Jusqu'à la prochaine fois

 

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Il en existe naturellement plusieurs versions dont voici un petit inventaire non exhaustif. Allez-y donc jeter une oreille. Ou les deux.

Parmi les différentes interprétations, notons :

Mentionnons également une lecture collective à l'occasion de l'édition 2000 du Printemps des Poètes avec Elie Seimoun, Robert Hossein, François Cluzet, Emmanuelle Béart, Dominique Blanc, Michèle Laroque, Alain Souchon et Richard Borhinger.

 

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Les Chansons impossibles (comme la Java des Bombes atomiques) et les Chansons possibles (comme la Complainte du progrès) ont été réunies sur un album intitulé Chansons possibles et impossibles.

 

419CC2JGDFL

C'est beau, n'est-ce pas ?

 

 Il existe plusieurs éditions en CD de ses chansons. Celui-ci se trouve à la médiathèque de l'Institut Français de Novi Sad.

 

0731454882521

 

 Ceci n'est pas du jazz.

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