La Raison du plus faible (1) – Le Loup et l’Agneau de Jean de La Fontaine

Demain, 10 mai , à 20h, à l’Institut Français de Novi Sad, on projette La Raison du plus faible (2005), un film de Lucas Belvaux.

On pourrait qualifier ce film de thriller social : Pour aider un ami dans le besoin, deux chômeurs veulent organiser un braquage. Ils demandent de l’aide à un ancien repris de justice qui voudrait pourtant essayer de se réinsérer.

La Raison du plus faible - Bande annonce FR par _Caprice_

Quelqu’un a suggéré que c’était un mélange de Ken Loach et de Michael Mann. En effet, comme chez Loach, il y a un ancrage social fort (le film montre Droixhe, un quartier de Liège en Belgique) et comme chez Mann, il y a beaucoup de suspens et un talent certain pour poser une ambiance.

Dans ce film, il y a au moins deux références littéraires françaises explicites. Parlons aujourd'hui de celle qui se trouve dans le titre et qui fait référence aux premiers vers de la fable de La Fontaine "Le Loup et l’Agneau" :

La raison du plus fort est toujours la meilleure.

On peut se demander pourquoi ce film fait référence à ce titre, à cette fable. S'agit-il du rejet d'une certaine morale ? Ou au contraire de la recherche de justice ou de morale véritable ? S'agit-il de constater un décalage entre les valeurs d'égalité apprises à l'école et une réalité sociale difficile ? La question est ouverte, et le film plus apporte plus que ces alternatives assez simplistes.

En tout cas, une fable de La Fontaine, quoiqu'on en pense, c'est le rappel d'un passage républicain obligé ; comme beaucoup d'enfants, dont ceux-ci, j’avais appris cette fable à l’école, en CM2 :

Ajoutée par cdn2009 le 8 décembre 2008

Le texte (Les expressions en gras font partie du langage courant.):

La raison du plus fort est toujours la meilleure :
Nous l'allons montrer tout à l'heure.
Un Agneau se désaltérait
Dans le courant d'une onde pure.
Un Loup survient à jeun qui cherchait aventure,
Et que la faim en ces lieux attirait.
- Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ?
Dit cet animal plein de rage :
Tu seras châtié de ta témérité.
- Sire, répond l'Agneau, que votre Majesté
Ne se mette pas en colère ;
Mais plutôt qu'elle considère
Que je me vas désaltérant
Dans le courant,
Plus de vingt pas au-dessous d'Elle,
Et que par conséquent, en aucune façon,
Je ne puis troubler sa boisson.
- Tu la troubles, reprit cette bête cruelle,
Et je sais que de moi tu médis l'an passé.
- Comment l'aurais-je fait si je n'étais pas né ?
Reprit l'Agneau, je tète encor ma mère.
- Si ce n'est toi, c'est donc ton frère.
- Je n'en ai point. - C'est donc quelqu'un des tiens :
Car vous ne m'épargnez guère,
Vous, vos bergers, et vos chiens.
On me l'a dit : il faut que je me venge.
Là-dessus, au fond des forêts
Le Loup l'emporte, et puis le mange,
Sans autre forme de procès.