11 novembre 2012 (1) - Poèmes à Lou (Guillaume Apollinaire)
Depuis cette année 2012, le 11 novembre est férié en Serbie, à la méconnaissance générale.
La (légère) interrogation provoquée par l'apparition d'un nouveau jour férié sans explication est devenue d'autant moins intelligible étant donné l'habitude du calendrier serbe de reporter au lundi suivant la pause lorsque la date fatidique tombe un dimanche: Ainsi, la première célébration en Serbie du 11 novembre aura marqué le quotidien des gens un 12 novembre.
D'autres détail sur tanjug.tačno.
Cette commémoration de l'armistice 1918, qui marque la fin de la Der' des Der', est devenue institutionnelle en France depuis 1922 (90 ans). La Der' des Der', c'est celle qui aurait dû être la dernière des dernières guerres, celle après laquelle aucune guerre ne pouvait plus être possible. C'est d'ailleurs ainsi que se justifiait cette commémoration alors (outre le fait que toutes les familles françaises ont été touchée par cette guerre), sinon pourquoi se souvenir d'une guerre dont les raisons ont été oubliées dès ses premiers moments ?
Quoiqu'il en soit, l'évènement a inspiré de nombreux textes, chansons et films qu'on évoquera pendant quelques jours.
Aujourd’hui les Poèmes à Lou de Guillaume Apollinaire (1880 – 9 novembre 1918).
Si ces poèmes écrits en 14-18 (mais parus en 1947) ont contribué à annoncer le surréalisme, ils reflètent souvent une fascination jugée malsaine par les Surréalistes pour la guerre (voir son « Dieu que la guerre est jolie* » expliqué ici dans l'express).
Apollinaire par Picasso
(document trouvé ici)
Nous avons choisi le texte suivant en raison d’une métaphore assez inattendue dans le septième vers.
x
C’est l’hiver et déjà j’ai revu des bourgeons
Aux figuiers, dans les clos, Mon amour, nous bougeons
Vers la paix, ce printemps de la guerre où nous sommes
Nous sommes bien. Là-bas, entends le cri des hommes
Un marin japonais se gratte l’oeil gauche avec l’orteil droit
Sur le chemin de l’exil voici des fils de rois
Mon cœur tourne autour de toi comme un kolo où dansent quelques jeunes soldats serbes auprès d’une pucelle endormie
Le fantassin blond fait la chasse aux morpions sous la pluie
Un belge interné dans les Pays-Bas lit un journal où il est question de moi
Sur la digue une reine regarde le champ de bataille avec effroi
L’ambulancier ferme les yeux devant l’horrible blessure
Le sonneur voit le beffroi tomber comme une poire trop mûre
Le capitaine anglais dont le vaisseau coule tire une dernière pipe d’opium
Ils crient Cri vers le printemps de paix qui va venir Entends le cri des hommes
Mais mon cri va vers toi mon Lou tu es ma paix et mon printemps
Tu es ma Lou chérie le bonheur que j’attends
C’est pour notre bonheur que je me prépare à la mort
C’est pour notre bonheur que dans la vie j’espère encore
C’est pour notre bonheur que luttent les armées
Que l’on pointe au miroir sur l’infanterie décimée
Que passent les obus comme des étoiles filantes
Que vont les prisonniers en troupes dolentes
Et que mon cœur ne bat que pour toi ma chérie
Mon amour ô mon Loup mon art et mon artillerie
17 janvier 1915
* "Il y a cette phrase célèbre d’Apollinaire « Ah, Dieu, que la guerre est jolie », cette phrase frivole qui dégoûte Aragon." référence lue sur ce site.