Les Trois Frères - Les Inconnus (1995) / Essais - Montaigne (1582-1588) / Épigrammes IV,XXX, Le Pêcheur - Martial (80)
Les Trois Frères – Le Retour est l'un des gros succès du moment en France au cinéma. C'est la suite d'un film sorti en 1995 et intitulé Les Trois Frères.
Les Trois Frères sont interprétés par les Inconnus, Didier Bourdon (né en 1959), Bernard Campan (né en 1958) (les réalisateurs) et Pascal Légitimus (né en 1959).
Après une dizaine d’année de scène et de télévision (où ils ont acquis une certaine notoriété) et quelques incursions au cinéma, les Inconnus ont donc réalisé leur premier film sous cette marque en 1995.
À défaut d’une bande-annonce normale, cette scène peut donner une idée du film.
Les trois frères ne se connaissent pas. Ils se rencontrent pour la première fois chez le notaire qui leur apprend le décès de leur mère (qu’ils n’ont pas connue) et qu’ils vont toucher un héritage.
Cette scène est intéressante car elle caractérise ces trois personnages à travers des comportements contrastés.
Il faut notamment observer leur usage du langage. On retrouve d’ailleurs le talent des Inconnus pour l’écriture des dialogues.
Extrait les trois freres by zatoichi2080
Transcription
Pascal – Monsieur Latour pour la succession Latour.
La secrétaire – Installez-vous, vous êtes le premier.
Pascal – Ah bon ?! Parce qu'il y a d'autres...
Didier – Bonjour jolie dame, je vou... Madame, bonjour, je viens pour le dossier Latour, je suis monsieur Latour.
La secrétaire – Vous allez attendre...
Didier – Ah ?! Parce qu'il y a d'autres...
Service de sécurité du métro – C'est pas la première fois monsieur, vous êtes en infraction. On vous a assez vu comme ça. Allez, c'est bon. À la prochaine. [Bernard déchire la contravention] Hè ho !
Didier – nomen habent, Et ad magistri
Vocem quisque sui venit citatus.
Bernard – Euh, j'm'excuse, j'ai eu un petit 'blème dans le tro-mé, là., le métro... Oufs !
La secrétaire – Monsieur Latour ?
Bernard – Oui, Latour, c'est ça, c'est pour...
La secrétaire – Asseyez-vous...
Bernard – Ouais !
La secrétaire – Ils sont là.
Bernard – Salut... [s'assied] Le tromé, là ... oufs, les mecs, oufs. Tu payes pas, le mec [gestes]. Oufs.
Maître Larieux – Dossier Latour.
Bernard – C'est nous ?
Maître Larieux – Les trois.
Maître Larieux – Messieurs en raison de votre arrivée tardive et de la levée d'hypothèque qui m'attend, j'ai bien peur que notre rendez-vous ne soit plus qu'écourté. Enfin, prenez place. [Ils prennent place]. Je me présente : Maître Larrieu. J'ai donc été chargé du testament de votre mère, à tous les trois, madame Josette Marie Désirée Latour, artiste de son état, décédée le 14 février 1993 à l'hôpital de Santa Anna, Houston, Texas, USA. Testament concernant les présomptifs héritiers qui sont : Monsieur Bernard André Michel Latour né de madame Josette Latour et de père inconnu, c'est qui Bernard ?
Bernard – Euh c'est moi, pourquoi ?
Maître Larieux – Monsieur Didier Jean Marie Latour né de madame Josette Latour et de père inconnu.
Didier – Oui, c'est moi.
Maître Larieux – Monsieur Pascal Hégisippe Eusèbe Latour, né de madame Josette Latour et de père inconnu.
Pascal – Oui, c'est moi.
Maître Larieux – Vous ne vous connaissiez pas, je suppose, et c'est d'ailleurs la raison por laquelle nous avons eu beaucoup de mal à vous retrouver. Compte tenu de votre manque d'exactitude, je vous propose donc de remettre cette procédure à une date ultérieure. Je vous propose donc un nouveau rendez-vous : le jeudi, 15 heures, précises.
Didier – Non, je peux pas.
Bernard – Moi non plus je peux pas.
Pascal – Moi non plus je peux pas.
Maître Larieux – Bon, écoutez, il va bien falloir trouver une solution, parce qu'il y a quand même un tas de papier à signer, il s'agit d'une somme de trois millions de francs, n'est-ce pas, il y a des tas de procédures...
Didier – Euh pardon, une somme de trois millions...
Bernard –... nouveaux ?...
Pascal –... de francs ?
Maître Larieux – Trois millions deux cent cinquante-sept mille huit cent soixante-douze francs nouveaux. Et quatre-vingt-sept centimes. Anciens, ça va sans dire.
Didier – Le rendez-vous, c'est le ?
Maître Larieux – Jeudi, 15 heures.
Didier – Je... je peux, je pense.
Bernard – Ouais, ouis, jeudi, ouais, ouais...
Pascal – Oui, je peux, hein.
Maître Larieux – Eh bien, voilà.
Didier – Je m'excuse, j'avais...
Bernard – Mercredi !
Pascal – Mercredi ! Parce que jeudi, je peux.
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Montaigne (1533 – 1592) est l’auteur fameux des Essais généralement édités en trois volumes. Didier a choisi l’édition de Flammarion, dans la collection GF, chère aux étudiants en littérature.
Montaigne parsème ses textes de citations classiques, le plus souvent latines, sans toujours les créditer. Celle que Didier prétend lire est la suivante :
nomen habent, Et ad magistri
Vocem quisque sui venit citatus.101
Ajoutée le 23 janvier 2011 par MonsieurFLEFLE
Elle se trouve dans le chapitre XII de ce deuxième volume. Ce chapitre, intitulé Apologie de Raimond Sebond, est l’un des plus longs de tous les essais.
La note 101 en fin du volume de Didier donnent l’origine et une traduction de cette citation :
Ils ont un nom, et chacun d’eux vient à la voix de son maître qui l’appelle.
Martial IV, xxix, 6
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Martial (40 – 104) est un poète latin auteur d’Épigrammes publiés en quatorze livres. Les latinistes trouveront cet extrait ici numéroté en trentième position du livre IV.
Livre IV
XXX
Baiano procul a lacu, monemus,
Piscator, fuge, ne nocens recedas.
Sacris piscibus hae natantur undae,
Qui norunt dominum manumque lambunt
Illam, qua nihil est in orbe maius.
Quid, quod nomen habent et ad magistri
Vocem quisque sui venit citatus ?
Hoc quondam Libys impius profundo,
Dum praedam calamo tremente ducit,
Raptis luminibus repente caecus
Captum non potuit videre piscem,
Et nunc sacrilegos perosus hamos
Baianos sedet ad lacus rogator.
At tu, dum potes, innocens recede
Iactis simplicibus cibis in undas,
Et pisces venerare delicatos.
Crois-moi, pêcheur, fuis bien loin du lac de Baïes, si tu ne veux pas en revenir criminel. Le poisson qui nage dans ces eaux est sacré ; il connaît le maître du monde, et vient lécher cette main, la plus puissante de l'univers. Ajouterai-je que chacun de ces poissons, à son nom, accourt rapidement à la voix du maître qui l'appelle ? Un Libyen impie jeta un jour dans cette eau profonde sa ligne tremblante, mais, au moment de tirer sa proie, frappé tout à coup de cécité, il perdit l'usage de ses yeux et ne put voir le poisson qu'il avait pris : aujourd'hui, maudissant ses hameçons sacrilèges, il se tient en mendiant sur le rivage de Baïes. Toi, pêcheur, tandis que tu le peux encore, retire-toi innocent ; jette dans ces eaux des aliments salutaires, et respecte des poissons consacrés.
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L’œuvre de Montaigne est pleine de références que l’on peut appliquer à toutes les situations.
Par exemple, celle-ci :
Ajoutée le 20 janvier 2010 par Antoine Petaire Streiff
Transcription
Didier – Mais oui, je sais qu’on est dans la merde…. On est dans la merde.
Pascal – Qu’est-ce qu’y dirait, ton Montaigne ?
Didier – Ben c’qu’il dit, Montaigne, y dirait qu’on est dans la merde…
Pascal – Tu vois…
Bernard – On est dans la merde.
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